Failed est une installation qui se présente sous la forme d’une jupe de mariée échouée au sol. Une échelle en tulle blanc prolonge celle-ci au niveau de la taille et s’étend jusqu’au plafond. Sur la couture intérieure de la jupe, un ruban blanc brodé en rouge, avec l’inscription “Heaven doesn’t exist”, est cousu de manière à dessiner le tour de la taille.
Failed, comme son titre l’indique, évoque l’idée d’échec, de fiasco, de ratage. Celui-ci est ,ici, spécifiquement lié à la condition féminine. Il est, en effet, associé ici à une robe de mariée qui traîne au sol comme si la personne la portant, n’avait pu gravir l’échelle en tulle et était tombée et était restée là, échouée. Le mariage (et par extension la procréation), en dépit de l’évolution des mœurs, est toujours présenté aux femmes comme un passage central dans leur vie, comme une condition essentielle à leur épanouissement futur.
Ce qui m’intéresse dans cette pièce est justement ces femmes qui échouent à atteindre ce conte de fée tant promis par la société. Conte de fée qui peut vite se transformer en cauchemar comme le rappelle le ruban brodé cousu sur la robe : “Heaven doesn’t exist”. Dans le même sens, l’échelle renvoie bien à l’idée d'ascension, de réussite et par-delà d’accession au paradis, mais celle-ci est en tulle c’est-à-dire un matériau fragile et donc impraticable. Le tulle est aussi un référence au tutu, à la danseuse à la fois mince, fragile et gracieuse, prescriptions auxquelles toute femme est tenue.
Au-delà du mariage, cette installation renvoie à toutes les injonctions qu’une femme est sommée de faire ou d’être pour avoir une vie accomplie aux yeux de la société. Injonctions qui semblent impossibles à tenir si bien que la question de l’échec pour une femme est finalement assez banale. La boucle est, d’une certaine manière, bouclée car ces ratages contribuent à valider l’infériorité de la femme dans un système patriarcal. Je conclue et renvoie ici aux mots de Virginie Despentes dans King Kong théorie :
“Parce que l’idéal de la femme blanche, séduisante mais pas pute, bien mariée mais pas effacée, travaillant mais sans trop réussir, pour ne pas écraser son homme, mince mais pas névrosée par la nourriture, restant indéfiniment jeune sans se faire défigurer par les chirurgiens de l’esthétique, maman épanouie mais pas accaparée par les couches et les devoirs d’école, bonne maîtresse de maison mais pas bonniche traditionnelle, cultivée mais moins qu’un homme, cette femme blanche heureuse qu’on nous brandit tout le temps sous le nez, celle à laquelle on devrait faire l’effort de ressembler, à part qu’elle a l’air de beaucoup s’emmerder pour pas grand chose, de toute façon je ne l’ai jamais croisée, nulle part. Je crois bien qu’elle n’existe pas.”