Les pleurs de l'aube se compose d’une série de mouchoirs brodés de graffitis aux slogans politiques trouvés sur internet ou dans la rue. Ces messages représentent à la fois une époque et un désir de changement, de soulèvement par rapport à l’ordre établi : « Revolution is coming ».
La série Les pleurs de l'aube constitue un hommage à ces appels au grand bouleversement. Si ces messages sont voués à être effacés, la broderie les pérennise mais aussi procède à un basculement de la sphère publique à la sphère privée. Ces appels au combat peuvent autant être lus comme une incitation à l’insurrection collective que comme des incantations personnelles Ils parlent à l’insurgé présent en chacun de nous et laissent à chacun le soin de se les approprier ou non.
Broder sur des mouchoirs, ces slogans représentent cette espérance, ce désir intime de changement et de révolte que parfois nous conservons en secret ou dés fois que nous préférons oublier. Le mouchoir est donc autant ici la mémoire de nos insurrections personnelles que l’étoffe recueillant nos pleurs et nos désillusions.
"Celine Tuloup pratique la broderie, activité féminine et ancestrale. Elle la réactive dans ses pratiques contemporaines à l’instar d’une grenade dégoupillée. Sur ses mouchoirs brodés : « Les pleurs de l'aube », se trouvent des slogans, des graffitis. Le mouchoir en tissu est un objet très intime, personnel, auparavant chacun possédait ses propres mouchoirs, parfois avec ses initiales brodées. Trouver un mouchoir dans la rue donnait l’éventualité de retrouver son propriétaire. Broder des revendications sociales ou politiques est une invitation à s’accaparer personnellement ces slogans révolutionnaires."
Laurent Quenehen, 2020"Dans la série Les Pleurs de l'aube, le point de broderie s'éloigne de l'esthétique et devient message scandé ruisselant sur un mouchoir de famille épinglé au mur. Entre poésie et accroche de film d'épouvante, la miniaturisation se fait l'étendard d'une expression revendiquée, qui figure à la fois l'intime et l'usage expressif d'une parole universelle. Comme une nouvelle forme onirique et épique, la subversion du graffiti repéré dans l'espace citadin et déposé en relief sur le tissu déploie un message à caractère métaphorique. Une subite métamorphose d’une expression familière en expression étrange se réalise, et vice-versa. De nouveaux régimes d'intensités apparaissent alors dans la liaison de l'écriture et de son espace d'inscription. La rhétorique déclamative devient graphique et irréductible dans les coulures d'un mouchoir de poche."
Sandra Doublet, 2018